"Une école pour chacun" ? L'autonomie enseignante face à l'injonction à la personnalisation. Enquête ethnographique au sein de trois lycées sur la réforme Chatel

Presented as essential to respond to the growing heterogeneity of the school population, a logic of differentiation in the treatment of students accompanies the process of school massification in various forms. By committing educational agents to "personalize" the management of pupils and school careers, as part of a strengthened school autonomy, the Chatel reform of general and technological high schools updates this logic of school adaptation. This thesis questions the appropriations and effects of the Chatel reform in institutions from the angle of the coherence of the professional group and even more of what the injunction to personalisation does to the professional autonomy of teachers, understood as the group's ability to control the definition and practice of work. To do this, it relies on an ethnographic survey, carried out in three high schools, which combines observations of professional daily life and interviews with teachers as well as management staff. Thanks to the combined perspectives of the sociology of public action and the sociology of professional groups, the thesis shows that the ambivalent reconfigurations (fuelled by the reform) in the teachers’ view of their work and role, as well as in the relationships of work and power within institutions, tend to weaken the autonomy of the teachers as a professional group. On the one hand, if the margin of autonomy granted by the reform allows teaching teams to partially shape their working environment, they collide with the strengthening of the means of action of management staff and with their eased foray into pedagogical territory. On the other hand, beyond a common tendency to an increased workload, the injunctions and measures of the reform are the subject of contrasting practical logics and generate asymmetric effects on teachers’ experience of their work. These are linked to social trajectories and positions in the professional space which are themselves differentiated. Finally, the autonomy of a professional group also depends on its ability to think about and organize itself collectively. However, if the reform examined here can be the support of collective dynamics at the local level, it also participates in the fragmentation of professional experiences and reveals as much as it exacerbates divisions in professional conceptions and positions. This thesis thus contributes to shedding light on the recompositions of the working and organizational methods of the teachers group, at the heart of a tension between the process of segmentation and renewed ways of acting and thinking as a group.Présentée comme indispensable pour répondre à l’hétérogénéité croissante du public scolaire, une logique de différenciation du traitement des élèves accompagne, sous diverses formes, le processus de massification scolaire. En engageant les acteurs éducatifs à « personnaliser » la prise en charge des élèves et les parcours scolaires, dans le cadre d’une autonomie accrue des établissements, la réforme Chatel des lycées d’enseignement général et technologique réactualise cette logique d’adaptation scolaire. Cette thèse interroge les appropriations et effets de la réforme Chatel dans les établissements sous l’angle de la cohérence du groupe professionnel, et plus encore de ce que l’injonction à la personnalisation fait à l’autonomie professionnelle enseignante, entendue comme la capacité du groupe à maîtriser la définition et la pratique du travail. Elle s’appuie pour cela sur une enquête ethnographique, menée dans trois lycées, qui articule observations du quotidien professionnel et entretiens avec des enseignants ainsi que des personnels de direction. Grâce à l’éclairage croisé de la sociologie de l’action publique et de la sociologie des groupes professionnels, la thèse montre que les reconfigurations ambivalentes que la réforme alimente dans les rapports au métier des enseignants, ainsi que dans les rapports de travail et de pouvoir au sein des établissements, tendent à fragiliser l’autonomie du groupe professionnel enseignant. D’une part, si les marges d’autonomie octroyées par la réforme permettent aux équipes enseignantes de modeler partiellement leur cadre de travail, elles se heurtent au renforcement des moyens d’action des personnels de direction et à leur incursion facilitée en territoire pédagogique. D’autre part, au-delà d’une tendance commune à l’alourdissement de la charge du travail, les injonctions et dispositifs de la réforme font l’objet de logiques pratiques contrastées et génèrent des effets asymétriques sur les rapports au métier. Ceux-ci s’arriment à des trajectoires sociales et à des positions dans l’espace professionnel elles-mêmes différenciées. Enfin, l’autonomie d’un groupe professionnel passe également par sa capacité à se penser et s’organiser collectivement. Or, si la réforme étudiée peut être le support de dynamiques collectives à l’échelle locale, elle participe également au morcellement des expériences professionnelles et révèle autant qu’elle exacerbe des clivages dans les conceptions et positions professionnelles. Cette thèse contribue ainsi à éclairer les recompositions des modalités de travail et d’organisation du groupe enseignant, au cœur d’une tension entre processus de segmentation et manières renouvelées de faire collectif